Les OPEX, une vie de peines, d’efforts et d’amitiés

Jeune garçon, de 13 ans, fils d’agriculteur, je décidais d’être un jour parachutiste. Lors d’une manœuvre militaire, jouant le rôle d’un partisan, j’avais à conduire par nuit noire une trentaine de commandos parachutistes de la Légion étrangère. Après leur saut, je les guidais, à travers champs jusqu’au fleuve où ils préparaient alors des embarcations pour le traverser. Dans le silence de cette nuit seulement troublé par le froissement de leurs tenues, armés, lourdement chargés, les visages noircis, sans un mot, ils avaient des gestes précis. Leur cohésion était impressionnante, réagissant spontanément aux gestes discrets de leur chef.

Bien décidé, baccalauréat en poche, j’intégrais Saint-Cyr, y suivait ma formation d’officier, puis celle de chef de section d’infanterie parachutistes, instructeur de commandos.Rejoignant alors le 1er RCP, une quarantaine de jeunes appelés m’ont tout de suite été confiés, de jeunes civils aux cheveux longs, la plupart venant de milieux très modestes, pas tous « des enfants de cœur », quelques-uns en échec scolaire, mais tous volontaires pour être parachutistes. Avec mes sous-officiers, nous les avons accueillis, endurcis, formés, éduqués et entrainés. Sport, vie au grand air, dépassement de soi. Partageant leurs efforts, nous avons vécu de belles aventures au cours de nombreux exercices. Le parachutisme militaire est une école de vie exigeante : on apprend à maîtriser sa peur, à se dépasser, à faire confiance à ses camarades et à ses chefs. Au terme de leur service, rendus à la vie civile, bien dans leur peau, ils étaient prêts à se lancer dans la vie où tous ont su tracer leur chemin.

Fort de cette expérience, avec une nouvelle section d’appelés volontaires, puis d’engagés, les engagements en opérations extérieures, les OPEX, se sont alors enchainés tout au long et à tous les niveaux de ma carrière d’officier. Avec ces soldats placés sous ma responsabilité, de toutes spécialités et métiers, des combattants bien sûr, mais aussi des infirmiers, des secrétaires, des chauffeurs, des mécaniciens, des cuisiniers, etc. ensemble nous avons parcouru les conflits qui ont agité notre monde ces trente dernières années, au Moyen Orient, dans les Balkans, en Afrique et en Afghanistan.

Nous avons découvert les pires des misères, parcouru des villes et des villages en ruines, connu la rusticité, le grand froid des Balkans ou les chaleurs torrides d’Afrique, croisé la violence, la haine et parfois les pires des cruautés, les cris d’enfants mais aussi leurs rires insouciants, les larmes, le râle des blessés, les corps déchiquetés de civils innocents et de combattants de tous bords. Nous avons regardé la mort en face, ressenti cette peur glaçante qu’il fallait étouffer pour avancer. Lors de ces missions risquées exigeantes, au cours desquelles il fallait faire preuve d’audace, assumer des risques, celui de sa propre vie, celle de ces soldats, tous savaient qu’ils devaient et pouvaient compter sur leurs camarades. C’est dans ces moments de tension extrême, mais aussi lors de beaux temps de repos, de détente et de partage, au bivouac, pensant à ceux que nous aimons, nos familles, nos amis que j’ai compris la vraie signification du mot "fraternité" et « courage ». Ensemble, en confiance, chefs et soldats, relevé ainsi de nombreux défis.

Ces moments forts m’ont fortement marqué. Ce n’était pas seulement affaires de stratégie ou de discipline et de rigueur militaire, mais une extraordinaire aventure humaine. Ces jeunes dont j’étais le chef ont beaucoup donné et m’ont montré que peu importe le milieu d’où l’on vient : toutes les barrières s’effacent face à l’effort collectif et à la fraternité.

Lors de nos rassemblements, comme à l’occasion de la fête des parachutistes, la Saint-Michel, il m’arrive souvent encore aujourd’hui de retrouver, quelques-uns de ces « anciens » et fidèles, toujours de belles retrouvailles d’amitié, d’une fraternité d’arme qui rien ne peut effacer.

Jacques LECHEVALLIER
Général de corps d’armée (2S)

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Maëva DEZON

Déléguée des JEUNES IHEDN de Bretagne

Être Jeune IHEDN, c’est rejoindre un réseau dynamique d’étudiants et de professionnels passionnés par les enjeux stratégiques et les défis contemporains. En tant que déléguée régionale de Bretagne, je suis fière de participer à cette aventure enrichissante, qui allie analyse, réflexion et engagement.

À travers des conférences, des visites et des ateliers, nous approfondissons nos connaissances en défense et sécurité, tout en échangeant avec des experts. Rejoindre les Jeunes IHEDN, c’est s’engager dans la diffusion de l’esprit de défense et du sens civique, tout en développant des compétences d’analyse stratégique.

Les cycles Jeunes IHEDN permettent de comprendre les enjeux nationaux et internationaux, de renforcer sa cohésion avec des personnes de divers horizons et de créer des liens avec des professionnels du secteur. C’est une expérience unique qui offre à chacun l’opportunité d’enrichir ses connaissances et de faire entendre sa voix sur des sujets majeurs comme l’économie, la cyber et l’intelligence artificielle.

Si vous êtes intéressé par ces thématiques et souhaitez vivre une expérience intellectuelle et humaine passionnante, rejoignez-nous !

Gauthier AUBERT

Professeur d’histoire à l’université de Rennes 2

Je connaissais l'existence des sessions de l’IHEDN de longue date, grâce à des amis et collègues qui m'avaient rapporté combien ils avaient été passionnés par l'expérience.

Lorsque j'ai été nommé Référent défense de mon université, je me suis souvenu de leurs témoignages et me suis dit que c'était sans doute le moment de parfaire mes connaissances sur les questions de défense au sens large. Bien accompagné par mon établissement et son service du personnel, j'ai donc monté un dossier de candidature. L’enseignement reçu a élargi mes connaissances, et m’a donné une précieuse grille de lecture pour décoder l’actualité en croisant les thématiques géopolitiques, mémorielles et économiques de manière très stimulante autour de la thématique de la défense. Les éclairages sur les questions industrielles, les plus éloignées de mes champs de compétences, m'ont beaucoup apporté. La variété des formats (conférences, visites, ateliers) était aussi très appréciable.

Enfin, les échanges avec les autres stagiaires venus d’horizons variés se sont révélés d'une très grande richesse, chacun arrivant avec ses connaissances et expériences.

Philippe HERCOUET

Maire de Lamballe

J’ai découvert l’IHEDN lorsque je travaillais au ministère de l’Agriculture puis j’ai eu la chance de pouvoir participer à une session.  J’ai été conquis par la pluridisciplinarité et l’ouverture des enseignements. De plus, comme la formation dure plus de trois semaines à plein temps, j’ai eu réellement l’opportunité de tisser des liens avec les autres auditeurs. Ces relations ont été très riches car les participants sont de tous les bords politiques, religieux, et professionnels, d’autant que la règle est à la fois le rayonnement et l’écoute des autres, avec le respect des différences.

A l'époque je travaillais sur la sécurité alimentaire, et j’étais chargé de la santé publique vétérinaire, de la prévention et la maitrise des maladies animales transmissibles à l'homme (grippe aviaire, "vache folle"), ou d'importance économique majeure (fièvre aphteuse...), puis de la maitrise des risques environnementaux (produits phyto sanitaires). Les nombreux échanges et rencontres m’ont permis d'enrichir mes relations et d’améliorer la sécurité générale dans l'intérêt du pays et des habitants.

La réglementation précise qu’un Correspondant défense (CORDEF) doit être nommé au sein de chaque municipalité, mais pour moi c’est bien plus qu'une obligation, car c’est un véritable engagement pour sensibiliser la collectivité aux risques hybrides et l’orienter vers une défense globale.

Lamballe est devenue ville marraine d'une unité de fusiliers marins, signe de notre soutien et de notre volonté d’entretenir le lien entre les forces armées et la société civile.

Les éclairages géopolitiques de l’IHEDN sont également précieux pour exercer des fonctions de maire, grâce au recul et à la prise de conscience de la notion de défense globale.